10/28/2024

Les conjoints : Comprendre les définitions selon les contextes

William St-Sauveur

Au Québec, la notion de conjoint peut rapidement devenir complexe. Selon le type de questionnement juridique que l’on a, la définition de ce qu’est un conjoint change en fonction du droit applicable.

En droit civil québécois

Le Code civil du Québec (RLRQ)[1] ne définit pas la notion de conjoint. C’est plutôt la Loi d’interprétation[2] qui indique que des conjoints sont des personnes liées par un mariage ou une union civile. Elle précise également que, deux personnes (de sexe différent ou de même sexe) qui font vie commune et qui se présentent publiquement comme un couple sans égard à la durée de leur vie commune sont des conjoints de fait qui sont assimilés à des conjoints si le contexte ne s’y oppose pas. Enfin, si le questionnement ne met pas en lumière des critères légaux pour la reconnaissance de l’union de fait de deux personnes, on présume qu’ils sont conjoints de fait après un an de cohabitation ou dès qu’elles deviennent parents d’un même enfant.

La vie conjugale/maritale peut être déterminée en fonction de différents critères pour les personnes qui ne vivent pas nécessairement ensemble. Ils comprennent, sans s’y limiter, la cohabitation (discontinue ou interrompue en comparaison avec la rupture), le secours mutuel, l’aide financière, physique et morale, le caractère public de l’union et la sexualité.

C’est le socle sur lequel reposent les définitions de conjoint. En effet, plusieurs lois encadrent la définition de conjoint de manière plus spécifique. On s’en remet cependant à la définition de la Loi d’interprétation lorsque les lois sont muettes.

En matière successorale

La dévolution légale des successions prévue par le CcQ détermine le partage de la succession d’un individu décédé sans testament selon sa situation familiale. Le conjoint qui est nommé dans ces articles du CcQ réfère au conjoint marié ou uni civilement. Autrement dit, le conjoint de fait ne peut pas hériter en l’absence de testament.

Cependant, le projet de loi no 56 présentant le régime d’union parentale, déposé à l’Assemblée nationale le 27 mars 2024 et sanctionné le 4 juin 2024, prévoit une modification aux règles de dévolution telles qu’on les connait aujourd’hui. Dès la fin juin 2025, le conjoint qui était en union parentale pourra hériter de son conjoint décédé et ce, sans testament. Nous détaillerons le régime d’union parentale dans un prochain article.

De plus, lorsque l’un des conjoints est marié, en union civile ou en union parentale avec une autre personne, un régime d’union parentale avec un nouveau conjoint ne pourra prendre forme seulement lors de la dissolution du mariage ou de l’union civile, ou la fin de son union parentale avec son conjoint précédent. Ainsi dit, on ne peut pas être le conjoint dévolu en matière successorale de deux individus en même temps.

En matière fiscale

En fiscalité, la reconnaissance de conjoints (de fait ou non) n’est pas un choix. Lorsqu’un couple répond à l’une ou l’autre des définitions, les conjoints ont l’obligation fiscale de se déclarer comme tel. Cela a une influence importante sur le calcul de certains crédits d’impôts.

La Loi de l’impôt sur le revenu[3] et la Loi sur les impôts[4] déterminent qu’un conjoint est l’époux d’un particulier (dans le cas d’un mariage ou d’une union civile au Québec) ou son conjoint de fait.

Le paragraphe 248(1) L.I.R. prévoit que sont des conjoints de fait deux contribuables vivant en relation conjugale tout au long d’une période de douze mois ou bien qu’ils sont le père ou la mère d’un même enfant. Cela ressemble drôlement à ce que la Loi d’interprétation du Québec mentionne. Par contre, les lois fiscales ajoutent que les conjoints de fait vivant séparément pendant 90 jours pour cause d’échec de la relation ne sont pas considérés comme conjoints de fait.

En matière d’aide financière aux étudiants

Dans le cadre des différents programmes d’Aide financière aux études, les conjoints peuvent avoir une influence sur le montant qui sera versé à un étudiant au fil de l’année scolaire. La Loi sur l’aide financière aux études[5] mentionne que le conjoint est la personne qui est liée par un mariage ou une union civile et qui n’en est pas séparée judiciairement ou de fait, ou avec qui on vit maritalement ainsi qu’avec au moins un enfant (le sien ou celui de l’autre personne).

Autrement dit, les individus non mariés et sans enfant(s) ne sont pas conjoints et les revenus de l’autre personne n’affecte pas l’aide financière reçue par l’étudiant.

En matière de régime de retraite

Il existe des différences selon que le régime de retraite soit québécois ou fédéral. La notion de conjoint est importante, notamment en cas de décès (à qui sont dévolues les droits dans le régime) ou de séparation(est-ce que l’ex-conjoint a droit à une partie de la valeur du régime).

Par exemple, aux fins de l’application de la Loi sur le régime de rentes du Québec[6], un conjoint est une personne qui était mariée avec le cotisant et n’est pas judiciairement séparé de corps ou encore qui vit maritalement avec le cotisant depuis au moins 3 ans, ou au moins 1 an si un enfant est né ou naîtra de l’union. Il est précisé que certaines personnes peuvent se qualifier de conjoint malgré un jugement de séparation de corps.

La Loi sur les régimes complémentaires de retraite[7] a une définition similaire. Elle est d’application pour les régimes de retraite d’employeur, les fonds de pension, etc. Elle précise qu’en cas de décès, la personne liée par un mariage ou une union civile, mais qui est séparée de corps n'est pas considérée comme conjoint (et n’aurait donc pas droit aux prestations après décès) sauf si le participant en fait la demande expresse malgré la fin de l’union. Fait particulier, le conjoint d’un participant décédé pourrait lui être marié ou uni civilement à une autre personne et tout de même être considéré comme le conjoint survivant et avoir droit aux prestations.

La Loi sur le Régime de retraite du personnel employé du gouvernement et des organismes publics[8] (RREGOP) a une définition de conjoint semblable aux deux précédentes. Cependant, le participant et le survivant ne doivent pas s’être marié, uni civilement ou séparé de corps d’une autre personne pour avoir droit aux prestations de décès.

Au fédéral, la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension[9] présente une définition toute autre : « La personne qui vit avec la personne en cause dans une relation conjugale depuis au moins un an ». Simplement, pour les régimes de retraite fédéraux, les conjoints de fait pourraient avoir priorité sur le conjoint marié pour les prestations de décès. De plus, l’union civile n’est pas reconnue et les conjoints unis civilement au Québec pourraient se qualifier de conjoints de fait s’ils vivent ensemble depuis au moins un an.

Sous d’autres lois

Dans la Loi sur les normes du travail[10], les conjoints sont soit mariés ou unis civilement, soit vivent maritalement et sont parents d’un même enfant, soit sont sans enfants et vivent maritalement depuis au moins un an. La distinction peut être importante lorsqu’il s’agit de s’absenter du travail en cas de décès du conjoint, pour remplir des obligations parentales ou encore en cas de célébration du mariage de l’enfant d’un conjoint par exemple.

La Loi sur l’assurance médicaments[11], qui encadre le régime public québécois, réfère directement à la définition québécoise utilisée par la Loi sur les impôts à l’article 2.2.1, qui est analogue à celle de la loi fiscale fédérale.

La Loi sur l’assurance automobile[12] a également sa propre définition qui prend son importance lorsque le conjoint est une victime au sens de la loi et que des prestations ou des droits sont payables. Il s’agit des conjoints mariés ou unis civilement, ou qui vivent maritalement depuis au moins 3 ans, ou depuis au moins un an lorsqu’un enfant est né ou à naître ou adopté. Les Loi sur les accidents du travail[13] et Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[14] caractérisent les conjoints de façon comparable.

En bref

S’identifier comme conjoint peut être complexe, puisque la très grande majorité des lois ont une définition particulière. Les conséquences variées qui viennent avec ce statut ne sont pas à prendre à la légère étant donné que les champs d’application sont vastes (fiscal, droit de la famille, des successions, des régimes de retraite, …). En fonction du questionnement que l’on a, il faut s’assurer de valider son statut de conjoint.

William St-Sauveur, M. Fisc., Pl. Fin.

Planificateur financier rattaché à Services financiers Planica inc.

Conseiller en sécurité financière rattaché à Services financiers Planica inc.

Représentant en épargne collective auprès d'Investia services financiers inc.

Notes

[1] ci-après « CcQ ».

[2] RLRQ, c. I-16, art. 61.1.

[3] L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), (ci-après « L.I.R. »).

[4] RLRQ, c. I-3.

[5] RLRQ, c. A-13.3, art. 2.

[6] RLRQ, c. R-9, art. 91.

[7] RLRQ, c. R-15.1, art. 85.

[8] RLRQ, c. R-10, art. 44.

[9] L.R.C. (1985), ch. 32 (2e suppl.), par. 2(1).

[10] RLRQ, c. N-1.1, art. 1.

[11] RLRQ, c. A-29.01, art. 17.

[12] RLRQ, c. A-25, art. 2.

[13] RLRQ, c. A-3, art. 2.

[14] RLRQ, c. A-3.001, art. 2.

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