Budget fédéral 2024-2025
Le 16 avril 2024, la vice-première ministre et ministre des Finances du Canada Chrystia Freeland a présenté le budget fédéral 2024-2025. Vous trouverez ci-bas un résumé des différentes mesures annoncées par le gouvernement fédéral.
Résumé des mesures fiscales visant les particuliers
Régime d'accession à la propriété
Le régime d’accession à la propriété (ci-après « RAP ») permet aux particuliers de retirer jusqu’à 35 000$ de leur REER dans le cadre de l’achat ou de la construction d’une première habitation pour soi-même ou pour une personne handicapée déterminée, et ce, sans avoir à payer d’impôt sur le retrait.
Le budget propose d’augmenter la limite de 35 000$ à 60 000$ pour l’année 2024 et suivantes pour les retraits effectués après le 16 avril 2024.
Le premier remboursement de 1/15 du montant retiré est dû au plus tard 60 jours après la fin de l’année de la 2ème année qui suit l’année du retrait. Le budget propose que les personnes qui ont participé au RAP entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025 aient droit à une période de grâce prolongée de 3 ans. La période de remboursement de 15 ans débuterait donc la 5ème année après celle où l’on a participé au RAP.
Exemples
Retrait RAP en 2022 -> 1er remboursement au REER le 2 mars 2028 au plus tard;
Retrait RAP en 2023 -> 1er remboursement au REER le 1er mars 2029 au plus tard;
Retrait RAP en 2024 -> 1er remboursement au REER le 1er mars 2030 au plus tard;
Retrait RAP en 2025 -> 1er remboursement au REER le 1er mars 2031 au plus tard;
Modifications à l’Allocation canadienne pour enfants
L’allocation canadienne pour enfants (ci-après « ACE ») est une prestation basée sur le revenu et qui est versée mensuellement. Elle offre un soutien aux familles admissibles avec enfants âgés de moins de 18 ans.
Un bénéficiaire d’ACE devient non admissible à l’ACE à l’égard d’un enfant le mois suivant son décès. Les retards dans la réception de l’avis de décès d’un enfant peuvent faire en sorte que les parents doivent rembourser l’ACE reçu après le décès de l’enfant.
Le budget 2024 propose de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu afin de prolonger de six mois l’admissibilité à l’ACE à l’égard d’un enfant après son décès, si le particulier avait par ailleurs été admissible à l’ACE à l’égard de cet enfant.
Nouvelle Prestation canadienne pour les personnes handicapées
Il y a deux ans, le gouvernement fédéral présentait le cadre réglementaire pour créer un nouveau type de prestation visant à compléter le filet social destiné aux personnes en situation de handicap, à faible revenu et en âge de travailler. Les prestations commenceraient à être versées dès juillet 2025.
Le modèle proposé prévoit une prestation maximale de 2 400 $ par année pour les personnes en situation de handicap à faible revenu âgées de 18 à 64 ans. La prestation canadienne pour les personnes handicapées serait offerte aux personnes détenant un certificat valide pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées.
REEE - Amélioration du Bon d’études canadien pour les étudiants de milieu modeste
Le Bon d’études canadien (ci-après « BEC ») est un montant versé dans le Régime enregistré d’épargne études d’un enfant (ci-après « REEE ») par le gouvernement. Ce sont les revenus des parents (modestes) qui permettent de s’y qualifier. Les personnes admissibles peuvent recevoir 500$ dès l’année de naissance de l’enfant, et 100 $ par année jusqu’à son 15ème anniversaire, pour un total de 2000$. Il n’est pas nécessaire qu’un membre de la famille cotise au REEE pour qu’il soit versé. Cependant, un REEE doit être ouvert pour le recevoir. Le gouvernement propose de modifier de 20 ans à 30 ans l’âge maximal pour demander rétroactivement le BEC. Cette modification permettrait aux personnes adultes de réclamer le BEC si leurs parents ne l’ont pas fait par le passé.
Concrètement, les étudiants de 18 ans à 30 ans pourront réclamer le BEC pour eux-mêmes, à condition d’être nés en 2004 ou après. Les étudiants qui proviennent d’un milieu modeste auraient donc tout intérêt à ouvrir un REEE afin que le gouvernement calcule le montant de BEC auquel ils ont droit.
Exonération cumulative des gains en capital
Lorsqu’un particulier vend des actions admissibles de petite entreprise (ci-après « AAPE »), la Loi de l’impôt sur le revenu (ci-après «LIR ») lui accorde une exonération cumulative des gains en capital, qu’il peut utiliser en tout ou en partie au fil des années. En 2024, le montant est de 1 016 836 $ et est indexé annuellement.
Le budget propose d’augmenter ce montant à 1,25 million de dollars de gains en capital admissibles. Cette mesure s’appliquerait aux ventes effectuées à compter du 25 juin 2024. L’indexation de l’ECGC continuerait à partir de 2026. En d’autres mots, le gouvernement propose une indexation d’environ 23% pour 2024.
Modification du taux d’inclusion des gains en capital
Actuellement, la moitié d’un gain en capital est incluse dans le calcul de son revenu. C’est ce que l’on entend généralement par « 50% d’un gain en capital est imposable ». À compter du 25 juin 2024, le budget propose de modifier le taux d’inclusion d’1/2 à 2/3 pour les sociétés et les fiducies. Les particuliers verraient leur taux d’inclusion augmenté à 2/3 pour les gains en capital qui excèdent un seuil de 250 000$. En résumé :
Indirectement, cette modification modifie aussi le crédit porté au compte de dividende en capital (ci-après« CDC »), qui permet de verser un dividende libre d’impôt à l’actionnaire d’une société par action. Si 2/3 des gains en capital sont imposables, 1/3 des gains en capital sont ajoutés au CDC. Il peut donc être pertinent de planifier le déclenchement de gains d’ici le 25 juin 2024 si des besoins de liquidités personnelles sont à prévoir prochainement (travaux et rénovations, mises de fonds pour un terrain/chalet, etc.)
Pour approfondir la réflexion, quelques acteurs québécois se sont déjà penchés sur quels types de revenus de placement est-il mieux de gagner dans une compagnie ou personnellement. Lire ici.
De plus, les pertes en capital nettes des années antérieures (réalisées au taux de 1/2) pourront compenser entièrement les gains en capital réalisés après le changement de taux à 2/3.
Des règles transitoires seront intégrées afin de calculer les gains sur deux périodes pour l’année 2024. Le seuil annuel de 250 000 $ pour les particuliers serait entièrement disponible en 2024 (il ne serait pas calculé au prorata) et ne s’appliquerait que relativement aux gains en capital réalisés à compter du 25 juin 2024.
Incitatif aux entrepreneurs canadiens
Le budget propose d’instaurer le 1er janvier 2025 une nouvelle mesure fiscale qui réduit de moitié le taux d’imposition sur les gains en capital au moment de la disposition d’actions admissibles. Ce taux réduit s’appliquerait sur un montant maximal de 2 millions de dollars de gains en capital par particulier. En conjugaison à la modification du taux d’inclusion du gain en capital aux 2/3, cette mesure donnerait lieu à un taux d’inclusion de 1/3. Le plafond de 2 millions de dollars serait mis en œuvre progressivement, par tranche de 200 000$ par année à compter de l’année fiscale 2025 jusqu’à l’année fiscale 2034.
Les actions admissibles à l’incitatif aux entrepreneurs canadiens seraient un peu différentes des AAPE, qui donnent droit à l’exonération cumulative des gains en capital. Les conditions seraient les suivantes :
- Au cours des 24 mois précédant la vente, elle constituait une action d’une SPCC1 dont plus de 50 % de la juste valeur marchande (ci-après « JVM ») des éléments d’actif était :
- des éléments utilisés principalement dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise de la SPCC ou d’une société liée exploitée activement, principalement au Canada;
- certaines actions ou certains titres de créance de sociétés rattachées;
- une combinaison des deux catégories ci-dessus.
- Le demandeur de l’incitatif était un investisseur fondateur au moment où la société était initialement capitalisée et a détenu l’action pendant au moins 5 ans avant sa disposition.
- En tout temps entre l’émission des actions et la vente, le demandeur détenait directement plus de 10 % de la JVM (et des droits de vote) du capital-actions émis et en circulation de la société.
- Au cours des 5 ans avant la vente des actions, le demandeur doit avoir participé activement, de façon régulière, continue et importante aux activités de l’entreprise.
- Ce ne sont pas des actions de sociétés professionnelles, une société dont le principal actif est la réputation ou la compétence d’un ou de plusieurs de ses employés, ou une société qui exploite certains types d’entreprises, notamment une entreprise :
- opérant dans le secteur financier, de l’assurance, immobilier, de l’hébergement et de la restauration, des arts, spectacles ou loisirs;
- offrant des services de conseils ou de soins personnels.
1 « Société privée sous contrôle canadien », défini au paragraphe 248(1) LIR tel que l’entend le paragraphe 125(7) LIR.
Modification au calcul de l’Impôt minimum de remplacement
L’impôt minimum de remplacement (ci-après « IMR ») est une mesure qui vise à accroître l’équité du régime fiscal, c’est-à-dire que tous devraient payer une juste part d’impôt. Instauré en 1986 autant au fédéral qu’au Québec, l’IMR fait en sorte que les individus ayant recours à différents mécanismes fiscaux visant à réduire leur impôt à payer aient un impôt minimum à remettre aux autorités fiscales. Simplement, l’impôt minimum de remplacement est calculé pour tous les particuliers en parallèle de l’impôt qui est calculé régulièrement. Ce faisant, ceux ayant un solde d’IMR à payer plus élevé que l’impôt régulier sont visés par ces règles.
Annoncées d’abord dans le budget fédéral 2022-2023, les modifications furent précisées dans le budget fédéral de 2023-2024. Elles ont eu pour effet d’élargir l’assiette fiscale en limitant certaines exonérations, déductions et crédits du calcul. Rétroactivement au 1er janvier 2024, les modifications prévoient :
- de réviser le traitement fiscal des dons de bienfaisance afin de permettre aux particuliers de réclamer 80 % (au lieu de 50 % proposé en 2023-2024) du crédit d’impôt pour dons de bienfaisance dans le calcul de l’IMR.
- de permettre les déductions pour les paiements au titre du Supplément de revenu garanti, des prestations d’aide sociale et des indemnités pour accidents du travail;
- de réclamer entièrement le crédit d’impôt fédéral sur les opérations forestières au titre de l’IMR;
- d’exonérer les fiducies collectives des employés de l’IMR;
- d’exonérer les fiducies crées au profit de certains groupes autochtones;
- que certains crédits refusés en vertu de l’IMR soient admissibles au report prospectif de l’IMR (le crédit d’impôt pour contributions politiques fédérales, les crédits d’impôt à l’investissement et le crédit d’impôt relatif à un fonds de travailleurs).
Organismes de bienfaisance enregistrés et reçus fiscaux pour dons
Étant donné le climat géopolitique mondial et le rôle que peuvent jouer les organismes de bienfaisances situés à l’extérieur du Canada, le budget de 2024-2025 propose de prolonger de 24 à 36 mois la période pour laquelle les organismes de bienfaisance étrangers obtiennent le statut de donataire reconnu qui leur permet d’émettre des reçus officiels de dons. Un organisme de bienfaisance étranger doit notamment se livrer à des activités relatives à l’aide humanitaire urgente, au secours aux sinistrés en cas de catastrophe ou à des activités dans l’intérêt national du Canada.
Le budget propose également d’alléger les exigences de divulgation d’informations très précises sur les reçus, nuisant à la capacité des organismes de les émettre rapidement et de les transmettre par voie électronique.
Crédit d’impôt pour l’exploration minière (actions accréditives)
Le crédit d’impôt pour l’exploration minière, accordé aux détenteurs d’actions accréditives, arrivait à expiration au 31 mars 2024. Comme annoncé le 28 mars dernier, le gouvernement propose de prolonger l’admissibilité au crédit d’impôt pour l’exploration minière d’un an pour les conventions visant des actions accréditives conclues au plus tard le 31 mars 2025.
Régimes enregistrés - placements admissibles et cryptoactifs
Les produits d’investissement qu’il est possible de posséder à l’intérieur d’un régime enregistré (CELI, CELIAPP, FERR, REEE, REEI, REER, et RPDB) sont limités aux placements admissibles. Établies en 1966, les règles ont évolué pour aujourd’hui permettre plus de 40 types d’actifs. Toutefois, chaque régime n’a pas nécessairement les mêmes types de placements admissibles (notamment pour les placements dans les petites entreprises ou pour les hypothèques).
Le budget propose de réviser les règles pour tous les régimes, en plus d’évaluer si les actifs adossés à des cryptoactifs sont appropriés comme placements admissibles pour les régimes enregistrés.
Résumé des mesures fiscales visant les sociétés
Déduction pour amortissement accéléré
À l’heure actuelle, les immeubles construits expressément pour la location sont admissibles à un taux de déduction pour amortissement (ci-après « DPA ») de 4 % sous la catégorie 12 . Dans un souci d’améliorer l’accès au logement, le budget fédéral propose d’accorder un taux de DPA accélérée de 10 % aux nouveaux projets de logements construits expressément pour la location dont la construction débute le jour du budget ou après et avant le 1er janvier 2031, et qui sont prêts à être mis en service avant le 1er janvier 2036.
Les actifs compris dans :
- la catégorie 44 (25%, brevets ou droits d’utiliser des informations brevetées d’une durée limitée ou non)
- la catégorie 46 (30%, matériel d’infrastructure de réseaux de données et logiciels de systèmes connexes)
- la catégorie 50 (55% matériel électronique universel de traitement de l’information et logiciels de système)
pourraient être admissible à la passation en charges immédiate (100% de déduction) pour les nouveaux ajouts de biens relativement à ces trois catégories, si le bien est acquis le jour du budget ou après et devient prêt à être mis en service avant le 1er janvier 2027. La déduction bonifiée ne serait disponible que pour l’année où le bien devient prêt à être mis en service.
Incitatif à l’investissement accéléré et DPA accélérée
Les investissements admissibles pour cette mesure continueraient de bénéficier de l’incitatif à l’investissement accéléré, qui a actuellement pour effet de suspendre la règle de la demi-année, accordant ainsi une DPA au taux complet des biens admissibles mis en service avant 2028.
Après 2027, la règle de la demi-année s’appliquerait, laquelle limite la DPA dans l’année où un bien est acquis à la moitié de la DPA normale.
2 Annexe II du Règlement de l’impôt sur le revenu.
Résumé d’autres mesures d’intérêt général
Cadre de déclaration des cryptoactifs par les institutions financières
La Norme commune de déclaration (ci-après « NCD ») est la norme mondiale élaborée et approuvée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (ci-après « OCDE ») en vue de l’échange automatique d’informations financières à des fins fiscales. Dans le cadre de la mise en œuvre canadienne de la NCD dans la Loi de l’impôt sur le revenu, les institutions financières canadiennes déclarent à l’Agence du revenu du Canada de l’information sur les comptes financiers détenus au Canada par des non-résidents. En échange, le Canada reçoit des renseignements sur les comptes financiers détenus à l’étranger par des résidents canadiens.
Depuis la mise en œuvre de la NCD, les marchés financiers ont continué d’évoluer. Un développement majeur est l’émergence de cryptoactifs qui peuvent être transférés ou détenus sans interaction avec des intermédiaires financiers traditionnels et n’ont pas besoin d’être déclarés en vertu de la NCD. Le budget propose d’appliquer à partir de 2026 le nouveau cadre réglementaire de l’OCDE pour les cryptoactifs.
Les prestataires de services sur cryptoactifs seraient tenus de rendre compte à l’Agence du revenu du Canada, relativement à chaque client et chaque cryptoactif, de la valeur annuelle de ce qui suit :
- les échanges entre le cryptoactif et les monnaies fiduciaires;
- les échanges pour d’autres cryptoactifs;
- les transferts du cryptoactif, y compris l’obligation de déclarer des informations relativement à un client d’un commerçant lorsque le prestataire de services sur cryptoactifs traite des paiements pour le compte du commerçant et le client a transféré des cryptoactifs à ce dernier en contrepartie de biens ou de services dont la valeur dépasse 50 000 $US.
En plus des renseignements sur les transactions de cryptoactifs, les prestataires de services sur cryptoactifs devront obtenir et déclarer des renseignements sur chacun de leurs clients, notamment le nom, l’adresse, la date de naissance si applicable, la ou les juridictions de résidence et les numéros d’identification des contribuables pour chaque juridiction de résidence.
Décourager la location à court terme (de type AirBnB) non conforme
Comme annoncé à l’automne 2023, le gouvernement fédéral a annoncé des mesures devant contrer la location à court terme non conforme (de type AirBnB sans permis valide délivré par la municipalité ou le gouvernement provincial), qui empêche les personnes de trouver des loyers abordables.
Le budget confirme l’intention du gouvernement de refuser les déductions fiscales de dépenses engagées afin de tirer un revenu de location à court terme par les contribuables qui ne respectent pas les règles et restrictions de la province ou municipalité. Par exemple, les intérêts hypothécaires, les factures de câble et d’internet, les assurances, les frais de copropriété, les impôts fonciers et la déduction pour amortissement ne seraient pas déductibles sans avoir enregistré et obtenu son permis valide.
Programme canadien de prêt pour la construction de logement accessoire
Bon nombre de propriétaires ont de l’espace supplémentaire qu’ils pourraient convertir en logements à louer, comme un sous-sol inutilisé ou un garage qui pourrait être converti en maison d’allée. Jusqu’à maintenant, ce genre de projet était à la fois difficile et coûteux en raison des coûts de rénovation, combinés aux exigences de la bureaucratie municipale.
La Société canadienne d’hypothèques et de logement établira un nouveau programme qui permettra aux propriétaires d’avoir accès à 40 000 $ en prêts à faible intérêt pour ajouter des logements accessoires à leur maison. Les détails de ce programme seront annoncés dans les prochains mois.
Hypothèques immobilières d’une durée de 30 ans
Le gouvernement propose de modifier la charte hypothécaire canadienne en autorisant l’offre de prêts hypothécaires assortis d’une période d’amortissement de 30 ans aux personnes qui achètent une première propriété nouvellement construite. Ce nouveau produit de prêt hypothécaire assuré devrait être accessible aux acheteurs d’une première propriété à compter du 1er août 2024. D’autres détails seront communiqués dans les prochains mois.